Dans le cadre de l’exposition « ECHO DELAY REVERB : Art américain, pensées francophones », Charles Gaines présente dans le programme 37dB Manifestos 3 (2018/2019), une composition musicale pour piano qui réunit trois « manifestes ». Le premier est un discours de Martin Luther King Jr. prononcé en 1967 à l’Université de Newcastle au Royaume-Uni, où le leader du Mouvement des droits civiques nomme le racisme, la pauvreté et la guerre comme les trois problèmes urgents du monde contemporain. Le deuxième texte « Princes and Powers » de James Baldwin, publié en 1957, est un compte-rendu du Congrès des artistes et écrivains noirs de 1956 à Paris, à l’initiative de la maison d’édition Présence Africaine. Cet évènement avait réuni, à la veille des indépendances africaines et des luttes contre la ségrégation aux États-Unis, différentes figures intellectuelles principalement anglophones et francophones autour de débats sur l’émancipation culturelle des peuples noirs à travers le monde. Le troisième mouvement est une conversion de « Visionary Recital » (1994) où l’artiste et musicien Terry Adkins médite sur son propre rapport au processus de création. Manifestos 3 réunit ainsi trois voix culturelles et politiques importantes et leurs manières d’appréhender un monde plus juste.
Avec ses « Manifestos », Charles Gaines, artiste conceptuel et musicien états-unien, expérimente depuis 2008 la transcription de textes en compositions musicales. Cette conversion résulte de l’application par l’artiste d’un ensemble de règles sur un choix de textes qui ont pour seuls critères d’être de nature politique ou des plaidoyers critiques. Après avoir condensé les textes, les lettres A à H du texte sont transcrites en suivant la notation musicale anglophone, le H devenant par exemple un si bémol majeur comme dans les partitions de l’époque baroque. Les autres lettres, qui n’existent pas dans le système de notation, ainsi que les espaces entre les mots, sont indiqués comme des silences ou des soupirs. La projection simultanée du texte et de la composition souligne le rôle narratif ou l’impression de dissonance que la musique peut jouer dans la réception affective du contenu de ces textes. Dans la lignée des réflexions post-structuralistes sur le langage comme une expérience relationnelle où plusieurs facteurs entrent en jeu, Charles Gaines s’intéresse à la part d’objectif et de subjectif dans la manière dont un discours prend sens et nous affecte.
Laboratoire sonore, la salle 37 devient 37db, lorsque le Palais de Tokyo confie ce territoire ovale à des artistes, muscien·nes, compositeur·ices. pour explorer l’exposition à travers l’expérience acoustique. Ces invitations qui dépassent le champ de l’art contemporain pour en élargir les frontières et les décibels.
Curatrice : Amandine Nana
Mixage et spatialisation : Guillaume Couturier
Régisseur : Elias Grairi
